DANS-JEU ; L'imagination gouverne le monde (Napoléon)

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« Tallulah, tu as l'âge de te marier désormais. » Je jetais un rapide coup d'oeil vers mon père, et retournais vers l'ouvrage que j'étais entrain de lire. Cela avait du être le fruit de mon imagination, ou quelque chose du genre. Cette remarque était terriblement vieux jeu, même pour mon père. Qaletaqua Blackfeet est un... traditionaliste, voyez-vous. J'ai été élevée dans le respect des traditions indiennes, et je ne compte plus le nombre de fois où mon père m'a reproché de passer trop de temps en dehors de la réserve, de fréquenter principalement des habitants de la ville, et évidemment d'avoir pour meilleur ami Léonard Willoughby. Inutile de préciser le profond désaccord de mon père lorsque notre relation avait évolué. Mais peu importait puisque désormais la relation que j'entretenais avec Léonard n'était même plus amicale, à peine cordiale. Il s'agissait cependant d'un choix de ma part, et si il m'arrivait de regretter cette douce période où nous partagions presque tout, je savais qu'au final, c'était pour le meilleur. « Ne fais pas celle qui n'a pas entendu, veux-tu ? » Je repliais une jambe sous mon fessier, et posais Jane Austen sur la table. J'attendis qu'il continue, puisque une suite arrivait sans aucun doute. Si j'avais été une grande bavarde par le passé, j'étais désormais plus posée, et ne m'exprimais que lorsque ceci était nécessaire. Or, ce n'était pas le cas, puisque je savais pertinemment ce que mon père avait en tête. Un mariage indien, traditionnel avec une « bonne » famille. Par « bonne » famille, entendez quelqu'un de la tribu. L'une des premières valeurs que l'on vous apprend dans une communauté indienne, c'est l'égalité. Nous n'avons pas réellement de salaires, ou même de propriété privée. Tout va pour la communauté. Il n'y a pas de différences entre les familles, et nous partageons tout. Je ne saurai expliquer comment cela fonctionne. Certaines familles souhaiteraient d'ailleurs que cela change. Personnellement, j'aime assez cette idée de n'avoir que nos propres qualités humaines pour nous différencier du reste de la tribu. L'égalité des chances est réelle, ici. Pas comme dans la vraie vie. « Le fils Whitehead me semble être quelqu'un qui pourrait te... correspondre. » J'arquais un sourcil. « Il n'y a pas plus traditionaliste que toi, et tu utilises les noms de famille, désormais ? J'ai été mieux élevé que cela. » Avec un peu de chance, en partant sur ce sujet, j'arriverais à le faire partir sur un long débat sur combien les traditions sont importantes, mais qu'il ne faut pas rejeter le mode de vie de ceux qu'ils appelaient encore les « visages pâles » lorsqu'il était en colère de manière ridicule. Mais apparemment, ce n'était pas mon jour de chance. La décision de mon père était prise. Et si il ne me forcerait pas à épouser quelqu'un qui me rendait malheureuse, il n'accepterait certainement pas que celui qui puisse me rendre heureuse ne fasse pas partie de la tribu. « Tu connais Editon depuis toujours, et vous vous entendez plutôt bien, si je ne m'abuse. » Je haussais légèrement les épaules. « Je ne lui ai pas parlé depuis cinq-six ans, mais oui, il est sympa. » Mon père m'annonça que sa famille venait diner ce soir. Evidemment, cela ne se passerait pas réellement comme un mariage arrangé dans tous les sens du terme. Nous devions maintenir les apparences. Il était très probable que les parents de celui qui était vraisemblablement mon futur mari ait reçu un discours à peu près semblable. Il allait probablement me faire la cour pendant quelques semaines, et nous nous marierons très rapidement.


"Qui est cette jeune femme dans le miroir ? Ses traits sont les miens, mais l'espièglerie ne se lit pas dans ses yeux comme dans les miens. Son visage est calme, posé, un fin sourire s'y dessinant. Je suis à deux doigts de lui dire de se lâcher. Qu'elle tire la langue, ou fasse une grimace. Qu'elle éclate de rire. Qu'elle vive, bon sang ! Je devine derrière son regard neutre qu'elle se plie désormais aux exigences des autres. Aux traditions de son père, et cherche absolument à faire plaisir à ceux qui l'entourent, en oubliant parfois son propre bonheur. Les parties de chasse ? Les escapades nocturnes ? C'est du passé. Est-ce que tous ses souvenirs ont réellement existé, ou me suis-je mentie ? Qui suis-je ? Je ne saurai le dire. J'ai parfois l'impression d'être cette jeune femme qui me dit bien souvent de ré-apprendre à vivre, et pourtant... il m'est désormais plus aisé d'être cette jeune femme dénuée d'opinion, qui se plie aux traditions, et suis le schéma classique de « métro, boulot, dodo ». Il m'est devenue plus facile d'être quelqu'un que je ne suis pas. C'est étrange comme sentiment. J'ai l'impression d'être une actrice, et de jouer le rôle de ma vie. Il n'y a plus qu'un seul moment où je suis moi-même; c'est à dire lorsque je me retrouve en compagnie de Tobias. Nos conversations tournent autour d'un seul et même sujet, le seul sur lequel je m'autorise à avoir un avis qui diffère grandement de celui mon entourage; les habitants de Ruby Creek Falls. Je n'entrerai pas les détails. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est une histoire que je n'ai raconté qu'une seule fois, il y a cinq ans. C'est du passé désormais, même si cela a changé mon envie de ne pas être indienne en fierté de l'être, et volonté de le demeurer. Sur ce sujet, je suis passionnée, manipulatrice, espiègle, et mauvaise. Car si je vous apparais bien docile depuis mon retour dans la ville, je suis en réalité une véritable peste. Léonard pourrait en témoigner. Oh, j'étais capable du meilleur si les gens valaient vraiment la peine. Mais j'étais surtout capable du pire.. Je n'hésitais pas à m'évaporer pendant plusieurs semaines si j'en ressentais le besoin, laissant les gens proches de moi sans nouvelles, et ce sans aucun scrupule. Oh, je me faisais pardonner à mon retour, ce n'était pas la question. Mais mon attitude était égoïste, et même si j'en avais conscience, cela ne m'avait gênée. Du moins à une exception près; la période où Léonard et moi avions été ensemble. La période la plus heureuse de am vie, et celle qui a conduit à la décision la plus dure de ma vie. Mais je ne devrais pas penser à tout cela. Dans deux mois, je me marie... D'ailleurs... merde, je suis en retard !"

HORS-JEU ; Show us your true colors

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