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 « Long time, No See » (Leigh)

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Editon Whitehead

My Own Private Idaho

Editon Whitehead

Messages : 217
Date d'inscription : 23/07/2010

« Long time, No See » (Leigh) _
MessageSujet: « Long time, No See » (Leigh)   « Long time, No See » (Leigh) EmptyMar 2 Nov - 21:40

 « Long time, No See »

La fête battait son plein à la réserve et l'animation s'était emparée de tout le village, remontant les rues et les sentiers jusqu'à chaque habitation. Les habitants d'Ozalee s'étaient donné beaucoup de mal pour organiser l'hommage au traité de paix entre Ruby Creek Falls et la réserve. Ils avaient monté une scène où un groupe de musiciens mêlait la musique traditionnelle indienne et des morceaux plus dansants, mettant une ambiance chaleureuse. Des petites échoppes proposaient des spécialités culinaires indiennes que les grands-mères et femmes au foyer avaient amoureusement préparée. Et pour le plus grand bonheur des aînés, les « visages pâles » les dévoraient avec des étoiles plein les yeux. La réserve bouillonnait d'activité, chose qui n'était pas arrivée depuis bien longtemps et tous s'en réjouissaient. D'autant qu'en ce 31 octobre, les Blancs avaient l'habitude de fêter Halloween et l'hommage au traité de paix passait souvent à la trappe. C'est pourquoi les Indiens avaient décidé de mettre les bouchées doubles ce soir afin de garantir une soirée inoubliable pour tous, les enfants comme les plus grands.

Si la fête du traité de paix signifiait beaucoup pour la réserve et ses habitants, elle était importante pour moi également. En bon Indien, et en bon fils, j'avais accepté de prêter main forte aux préparatifs et cela m'avait permis de sortir de notre maison, à moi et Tallulah. Depuis le mariage et l'annonce qu'elle était enceinte, nous avions fait un peu de chemin. Nous n'étions, certes, pas les plus jolis mariés du monde, amoureux et passionnés, mais nous nous entendions bien, et c'était tout ce qui nous importait. A l'heure actuelle du moins. Je ne pouvais pas cacher que j'avais eu beaucoup de mal à accepter la situation et, pendant tout un temps, je m'étais montré peu présent pour Tallulah. Je m'en voulais atrocement de ne pas parvenir à agir en adulte, mais j'étais bien trop impulsif et je montais vite sur mes grands chevaux. Lorsque mon épouse m'avoua être enceinte et ignorait l'identité du père de l'enfant, je m'étais emporté. C'était naturel, non? J'étais simplement perdu et cette nouvelle était un choc de plus que je devais encaisser sans broncher. Jusque là, ma vie n'avait jamais été idéale et en revenant à Ruby Creek Falls, je cherchais avant tout un peu de stabilité, du calme et surtout du repos de tous ces soucis de cœur. Je voulais me poser un peu, rester seul. Et d'un seul coup, je devenais un mari et un père. J'avais craqué, et malheureusement, c'était Tallulah qui en avait fait les frais alors qu'elle aurait bien eu besoin de mon soutien à ce moment-là. Le soir du mariage, j'avais fait un long tour dans les bois et n'était rentré qu'au lever du jour dans notre petite maison. Tallulah était couchée et je m'étais allongé dans le canapé pour ne pas la réveiller. J'avais mis quelques jours à trouver les mots pour m'excuser de mon comportement plus que puéril. Et ce que je lui avais promis ce jour-là, je le pensais sincèrement. Peu importe qui était le véritable père de l'enfant qu'attendait Tallulah, je serais là pour l'élever, prêt à le reconnaître comme mon enfant. Je n'avais pas à blâmer ma femme de quelque chose qui s'était produit avant notre mariage. Et même si elle avait encore un amant en ce moment, je ne pourrais pas lui en vouloir. Elle et moi n'étions pas vraiment mariés au sens propre du terme. Cependant, je faisais ce qu'il fallait pour prendre soin d'elle et du bébé qui grandissait en elle. J'avais trouvé un travail plutôt bien payé pour un cabinet d'architectes dans la ville voisine et j'étais souvent sur les chantiers pour vérifier l'avancement. Ce travail avait l'avantage de me plaire et d'être très bien payé du fait que j'étais souvent en déplacement. Je voyais du pays, des gens et je n'étais pas assis à un bureau toute la journée à faire des calculs improbables. J'avais conscience que j'avais encore beaucoup de travail devant moi pour devenir un mari un peu plus parfait, mais je prenais mon rôle très à cœur. Cependant, j'étais également bien conscient que je ne serais jamais amoureux de Tallulah. Je parviendrais à l'aimer, c'était certain, car j'éprouvais déjà une certaine tendresse à son égard, mais je ne serais jamais amoureux d'elle comme j'avais été amoureux de Mia. Cela me décevait, car j'espérais chaque matin ressentir cette sensation au creux de mon estomac quand mes yeux s'attardaient sur ma femme endormie. Et comme à chaque fois que je ne sentais rien, je m'en voulais de ne pas être sensible à ses charmes. J'aurais voulu la désirer, cela aurait rendu les choses plus faciles. Mais hormis la fois où nous avions couché ensemble dans la clairière, plus par rage que par désir, nous n'avions plus été intimes sur le plan physique.

J'étais venu seul à la fête, Tallulah avait préféré rester à la maison, mais il n'était pas impossible qu'elle vienne faire un tour. Aux gens qui poseraient des questions, je répondrais invariablement qu'elle était fatiguée et qu'elle avait besoin de repos. J'avais accepté de m'occuper d'un des stands de boissons. Je n'aurais jamais cru que participer à la vie de la tribu me ferait autant plaisir, mais je devais bien admettre que je m'amusais bien. L'ambiance était chaleureuse et cela me changeait beaucoup des a priori que j'avais à l'égard des Indiens ces derniers temps. De plus, cela m'avait permis de renouer les liens avec des jeunes de mon âge qui, contrairement à moi, n'avaient jamais quitté la réserve. Certains étaient mariés, d'autres non. Mais tous semblaient véritablement heureux de pouvoir participer à la fête. Je m'étais laissé emporter par l'enthousiasme général. Aux alentours de 23h, on m'avait donné mon congé et je pus profiter un peu mieux de l'euphorie. Je parcourais la fête lorsque mon regard fut attiré par une jeune femme élancée aux cheveux blonds cascadant sur ses épaules. Elle me tournait le dos, mais c'était comme si quelque chose m'attirait chez elle. Certes, son corps était plus que magnifique, mais c'était différent. C'était comme si je la connaissais. Je me secouai la tête et traversai la « place » pour rejoindre un stand de nourriture. Je mourrais de faim et attendait avec impatience de goûter à la pumpkin pie. Dans la file d'attente, je ne pus m'empêcher de me retourner et chercher du regard cette intrigante blonde. Malheureusement pour moi, je ne pus la repérer d'où j'étais, mais ma curiosité était piquée et je me devais d'éclaircir ce mystère au plus vite. J'engloutis ma part de tarte en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire et repartis en direction du groupe d'amis que j'avais quittés un peu plus tôt. Bien décidé à élucider l'énigme de la belle blonde, je fis un écart dans la direction où je l'avais vue pour la première fois et n'eus, cette fois, aucun mal à la retrouver. Elle était là, droite comme un i, le regard brillant et un sourire sur le visage. Dans toute cette foule, j'avais l'impression qu'il n'y avait qu'elle. Je ne voyais qu'elle. En m'approchant, je sus pourquoi j'avais eu l'irrésistible envie de la retrouver alors que je ne l'avais vue que de dos. Cette fille, cette magnifique créature, c'était Leigh Wade. Je me stoppai net lorsque son nom s'afficha dans mon esprit. Elle et moi étions sortis ensemble à l'époque du lycée et avions rompu lorsque j'étais parti étudier à Phoenix. Depuis, nous nous étions perdus de vue, et je n'avais eu aucune nouvelle d'elle, tout comme je ne lui avais rien dit à mon sujet. Je me pris à regretter, car Leigh était une jeune femme formidable. J'aurais dû entretenir le contact. Devais-je aller la voir? J'en mourrais d'envie, mais une boule d'anxiété s'était également formée dans ma gorge. Comment réagirait-elle en me voyant? Certainement pas aussi positivement que moi. Mais je n'en savais rien et n'avais aucun moyen de le savoir. Je m'approchai d'elle et jouai la carte de l'étonnement ravi.  « Leigh Wade, ici? Je ne rêve pas? Qu'est-ce que tu as changé! Tu es magnifique! » Et je ne mentais pas. Elle était devenue une jeune femme accomplie et avait développé le charme qu'elle avait déjà à ses 18 ans.  « Ca me fait plaisir de te revoir, tu ne peux pas imaginer. »
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Leigh Wade

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Leigh Wade

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« Long time, No See » (Leigh) _
MessageSujet: Re: « Long time, No See » (Leigh)   « Long time, No See » (Leigh) EmptySam 6 Nov - 18:30

A seize ans, toutes les émotions sont décuplées. Parce que l'on est jeune, la vie devant nous, et probablement parce que l'on manque énormément d'expérience, on ne prend pas la peine de réfléchir à ce que l'on vit, et on se lance corps et âmes dans tout ce que la vie met sur notre chemin. Qu'il s'agisse d'amour, d'amitié, ou de combats à lutter, on se lance parce que l'on en ressent le besoin, pour embêter sa famille, ou par passion. On se lance dans la bataille quitte à y laisser tout ce qu'on a, et à regretter dès le lendemain. Sans aucune exception, Leigh Wade avait été cette adolescence pleine de vie et prête à tout lorsqu'elle décidait de se lancer dans quelque chose. Combien de fois avait-elle sauter des cascades de la montagne en compagnie des jumeaux Cadogan, chacun cherchant à sauter plus haut que le dernier ? Il n'y avait qu'une chose qui pêchait dans l'adolescence de Leigh par rapport à celles d'autres filles, elle n'avait jamais eu de coup de coeur passionné pour un garçon. Certains l'attiraient, certes, mais aucun n'avait suffit attiré assez son intention pour qu'elle prenne le temps de s'y attacher. Mais tout changea lorsqu'elle rencontra Editon Whitehead. Si au début elle était sortie avec lui parce qu'elle s'était sentie flattée, c'est un amour sincère qu'elle avait développé à son égard. Il était plus vieux qu'elle, et allait partir pour l'université loin de la ville sans aucun doute quelques mois plus tard, mais ils ne s'étaient pas posés de question, comme n'importe quel autre adolescent de leur âge l'aurait fait, et la séparation avait été difficile. Mais la tranquillité de ce qu'il avait ressenti, et l'indépendance qui les caractérisait toutes les deux avait permis à Leigh de se remettre sans aucune séquelle de cette histoire. Comme toute femme repense un jour ou l'autre à sa première histoire d'amour, il arrivait à la psychologue de repenser à leur histoire en se demandant ce qu'il serait advenus d'eux les circonstances eues elles étaient différentes. Cela ne durait généralement pas plus longtemps que quelques minutes, et même maintenant que les choses allaient plus mal que jamais entre Eugene, et elle – pour elle en tout cas ; elle n'était pas certaine que le banquier ait conscience que son couple était en perdition -, on ne pouvait pas dire qu'elle y pensait plus souvent. C'était un trait de caractère de la jeune femme qui avait ses bons, et ses mauvais côtés ; si il lui fallait énormément de temps pour se remettre de quelque chose qui la blessait complètement, une fois que cela était fait, une fois qu'une décision était prise, elle l'était définitivement, et la jeune femme ne regardait pas en arrière. Ou, extrêmement rarement, en tout cas.

Ce soir-là, Leigh avait décidé de profiter de l'animation de la ville pour sortir tandis que Eugene assistait à un dîner professionnel – officiellement, en tout cas. La jeune femme avait longtemps hésité entre la soirée déguisée au Dukes, et la célébration à Ozalee, avant de décider sur Ozalee, parce qu'elle n'avait pas le temps de faire un costume. Rien ne l'empêcherait de passer par le Dukes plus tard si elle le souhaitait réellement, mais rien n'était moins sûr. Parmi les premières arrivées, elle eut le temps de discuter quelques minutes avec le maire de la ville ainsi que le chef de la tribu, ce qui lui rappela la fascination qu'elle avait eu, comme beaucoup d'enfants à Ruby Creek Falls pour les indiens lorsqu'elle était plus jeune. Si cela lui était rapidement passé, elle sentit l'enfant qu'elle avait été se réveiller en elle quand elle serra la main du chef de la tribu. La conversation prit rapidement fin cependant, puisque la cérémonie n'allait plus tarder à commencer. Le tempérament studieux de l'élève qu'elle avait été repris le dessus, et c'est une Leigh plus attentive que jamais qui absorba le discours des deux hommes avec qui elle avait discuté quelques minutes auparavant. Elle fut presque déçue de ne plus être sur les bancs de l'école où l'on apprenait tous les jours plus, et où la vie était dix fois, cent fois, mille fois plus facile. Elle secoua légèrement la tête, et tenta de se reprendre. Elle était sans cesse en proie à la mélancolie ces derniers temps, et en avait plus qu'assez. Cela ne lui ressemblait pas, ce n'était pas dans sa personnalité. Elle connaissait la cause de ses tourments, et aurait parfois aimer trouver le courage de les affronter, mais le plus honnêtement du monde, elle se confortait dans l'idée – à tort, ou à raison – que cela finirait par s'arranger. La plupart du temps, la maitresse d'Eugene n'était pas dans ses pensées mais dès qu'elle le voyait, c'était autre chose. En conséquence, elle se montrait distante – même si elle parvenait encore à faire semblant la plupart du temps.

C'est sans surprise que la jeune femme rencontra des têtes connues dans la foule, et elle passa d'ailleurs la soirée à tester les différents stands en compagnie d'un groupe d'amis qu'elle n'avait pas eu l'occasion de voir depuis quelques semaines. Bien évidemment, ils s'étonnèrent de ne pas avoir Eugene, mais lorsque Leigh parla du dîner d'affaires, ils comprirent, et enchainèrent sur un autre sujet – non sans que les copains/fiancés/maris de la bande d'amis ne se soient fait réprimandé sur l'un de leur dîner d'affaires du mois passé, ou à venir. Le sujet ne fut plus abordé que naturellement au cours de la soirée comme l'on parle de sa vie de couple lors de moments passés entre amis, mais rien de plus. Remplie d'éclats de rire, et de cris d'horreur devant certaines légendes indiennes, les filles passèrent un temps fou devant les bijoux indiens, tandis que les garçons allaient se chercher une bière, Leigh leur en demandant une pour elle. La soirée passa à une vitesse affolante, et avant que la jeune femme ne se demande quelle heure il pouvait bien être, ses amis décidèrent de rentrer les uns après les autres, laissant Leigh seule parmi les citrouilles décorées pour Halloween. Elle décida cependant de s'arrêter vers un stand distribuant du jus de citrouille, et en profita pour jeter un coup d'oeil sur l'ensemble de la célébration, un fin sourire sur les lèvres. Cette soirée lui avait fait le plus grand bien, et elle se sentait emplie d'une nouvelle force ; elle se sentait légère comme elle ne l'avait pas été depuis longtemps. Elle comptait rester un peu plus tard – même si Ozalee ne tarderait pas à se vider, rien ne l'empêchait de se promener dans les environs. Leigh avait parfaitement conscience que si elle rentrait plus tôt que Eugene, une série de questions ne quitterait pas sa tête de la nuit, et elle avait clairement besoin de soleil. Alors qu'elle s'apprêtait à se retourner pour se placer dans la queue, son regard se posa sur une tête familière. « Editon Whitehead » murmura-t-elle instinctivement, le sourire qui était déjà dessiné sur son visage s'élargissant. Si elle avait entendu qu'il était de retour en ville, elle n'avait pas encore eu l'occasion de le croiser. Ce qu'elle regrettait quelque part ; certes, ils n'avaient pas gardé contact, mais la jeune femme ne gardait aucune rancoeur, c'était probablement mieux ainsi. Mais il est toujours agréable de s'assoir autour d'un café avec une personne qui a compté dans le passé, et rattraper le temps perdu – même si ce n'est que pour une seule et unique fois pour la première fois. Elle rejoignit Editon à mi-chemin, et sourit de son compliment. « Merci... » répondit-elle, en replaçant une mèche derrière son oreille. « Tu n'es pas non plus. Mais c'est plus à moi de m'étonner de te voir ici, surtout après tout ce temps ! » Une accolade naturelle s'en suivit – elle n'était qu'une gamine lorsqu'ils étaient sortis ensemble, elle ne voyait donc aucune raison de se comporter avec lui autrement qu'elle l'aurait fait avec un très bon ami. « A moi aussi, ça me fait très plaisir. J'avais entendu parler de ton retour, mais je ne t'ai pas vu une seule fois en ville ! » expliqua-t-elle. « Eh bien, maintenant que c'est fait, profitons en ! Raconte moi tout ce que j'ai manqué. » lui proposa-t-elle montrant un banc inoccupé.
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Editon Whitehead

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Editon Whitehead

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« Long time, No See » (Leigh) _
MessageSujet: Re: « Long time, No See » (Leigh)   « Long time, No See » (Leigh) EmptyDim 7 Nov - 16:44

Revoir Leigh, c’était comme renouer avec mon passé heureux à Ruby Creek Falls et dans ma famille. A l’époque, notre relation n’était pas vue d’un très bon œil dans la réserve. Les anciens méprisaient les liens entre les jeunes Indiens et les visages pâles, bien qu’ils ne disaient rien ouvertement. Rusés comme des renards, ils trouvaient toujours bien un moyen de nous faire sentir qu’ils n’approuvaient pas, mais la plupart des jeunes ne prêtaient guère attention aux avis des vieux loups. Après tout, chaque année voyait célébrée la fête en l’honneur de la paix entre les deux peuples, pourquoi donc refuser qu’un Indien fréquente une Américaine ? Leigh et moi nous connaissions depuis l’enfance. J’avais toujours été à l’école en ville, car mes parents estimaient qu’une éducation traditionnelle ne nous ouvrirait pas les portes d’un bon métier, à moi et mes frères et sœur. C’était peut-être le seul point sur lequel ils n’avaient pas prôné les vieilles coutumes et invoqué le respect des traditions. Pour autant, nous n’étions pas exempts des cours sur l’histoire de notre peuple, gracieusement dispensés par un vieillard à moitié édenté. L’avantage de cette formule d’éducation était que nous pouvions fréquenter des jeunes de notre âge en dehors de la réserve, et tout de même développer une conscience aigüe de notre tribu. Mais nous n’avions pas le droit d’aimer un Blanc. C’était une traîtrise aux yeux de mes parents, qui avaient lutté pour que le traité de paix ne soit pas. Ils avaient bien dû faire avec, à l’époque, et avaient cédé sur certains points. Pour autant, ils n’appréciaient pas les Américains et alimentaient la rancœur à grands coups de longues soirées en souvenir des massacres de nos congénères. Ainsi, lorsque Leigh et moi avions commencé à sortir ensemble, j’évitais soigneusement de l’amener à la maison. Mes parents me sermonnaient chaque soir, quand je rentrais d’une virée en ville pour aller voir ma petite amie. Ces souvenirs me firent chaud au cœur, mais ramenèrent aussi un peu de nostalgie. A l’époque, j’arrivais encore à tenir tête à mes parents. Les choses avaient bien changé, me dis-je à moi-même. Dire que j’avais dix ans de plus et que je n’étais pas parvenu à leur désobéir. Je regrettais la fougue de mes dix-huit ans !

Leigh avait énormément changé. Elle semblait bien plus sûre d’elle qu’à l’époque où nous étions ensemble, mais elle avait visiblement gardé sa bonne humeur et sa bienveillance. Je fus heureux de la revoir. Je fus un peu surpris qu’elle me prenne dans ses bras, mais l’enlaçai à mon tour, ravi de constater que dix ans n’avaient pas suffi à nous éloigner. Leigh et moi nous étions séparés d’un commun accord à mon départ pour l’université, tous deux bien conscients que les relations à distance étaient une pure utopie. Et malgré tout l’amour que nous avions l’un pour l’autre, la séparation ne fut pas aussi difficile qu’on aurait pu le penser. A vrai dire, nous savions tous les deux depuis le départ que notre relation aurait une fin lorsque je partirais pour Phoenix, et nous avions dû nous y préparer, inconsciemment. Je serais un monstre sans cœur et un incroyable menteur si je disais qu’elle ne m’avait pas manqué, au début. J’avais gardé une photo d’elle que j’avais déposée sur ma table de nuit, à côté de celle de ma famille. Elle ne l’avait jamais su pour la simple et bonne raison que je ne lui avais jamais dit. Nous avions malheureusement perdu le contact. Entre mes études et mes nouveaux amis, ma soif de découvrir la vie des étudiants américains, je n’avais pas pris la peine de lui écrire. Elle-même ne m’avait jamais téléphoné ou transmis un quelconque message. La seule fois où je lui avais écrit, c’était pour son anniversaire, la première année où j’étais parti à l’autre bout du pays. Mais l’année suivante, j’avais déjà perdu cette habitude et n’avais plus cherché à m’immiscer dans sa vie. Je ne l’avais pas oubliée –elle resterait toujours gravée dans mon esprit comme mon premier amour- mais j’avais simplement d’autres préoccupations.

Je fus surpris qu’elle ait entendu parler de mon retour dans la région, car je ne l’avais pas fait savoir. Je ne m’étais pas caché pour autant. J’étais retourné en ville, avais renoué quelques liens purement par hasard, mais n’avais pas non plus cherché à retrouver tous mes amis de l’époque. C’était d’ailleurs assez étrange de ne pas être tombé sur Leigh depuis le temps que j’étais rentré, aussi j’avais supposé qu’elle était partie d’ici. Pour être honnête, je ne la voyais pas vivre à Ruby Creek Falls éternellement, je lui imaginais un destin plus trépidant. Elle désigna un banc où nous allâmes nous asseoir. Elle voulait que je lui raconte tout ce qu’elle avait manqué. Par quoi commencer ? En dix ans, il y a énormément de choses à se dire, énormément de choses qui ont changés… et je n’avais pas eu une vie très calme à Phoenix. Ma vie sentimentale avait été plus que mouvementée, entre mes conquêtes à l’université et Mia, j’aurais pu passer des heures à lui parler. Et pour ce qui était des études en elles-mêmes, de mon travail et de moi, il n’y avait pas grand-chose à dire. Ce que je voyais de plus important, c’était mon récent mariage avec Tallulah. Si je lui racontais cela, je n’étais pas sûr de pouvoir arriver au bout de l’histoire, tant j’étais encore abasourdi de m’être marié. En un mois, j’avais forcément eu le temps pour accepter la chose, mais il n’empêchait que je me levais étonné chaque matin. La surprise disparaissait au bout de quelques secondes, mais entre le moment où je me réveillais et celui où je me rappelais pourquoi j’acceptais cette situation, je me demandais toujours si j’avais fait le bon choix. Pendant un instant, je me préparai à l’idée de lui confier cette histoire, mais il était sans doute un peu tôt pour parler de choses aussi sérieuses. Aussi, me contentai-je des faits comme ils étaient, sans rentrer dans les détails. « Eh bien… j’ai terminé mes études il y a cinq ans et je suis resté à Phoenix jusque maintenant. On m’avait proposé un travail à la sortie de l’université, alors j’ai foncé. Mais cet été, j’ai tout plaqué. C’était peut-être une bêtise, car je gagnais bien ma vie, mais j’avais besoin de revenir ici. Et je suis marié. Je travaille à Donnelly pour un bureau d’architectes. » Vue sous cet angle, ma vie semblait paisible et tout à fait épanouie, mais pourtant, c’était bien tout l’inverse. Je n’avais cependant aucune intention d’en parler à Leigh pour l’instant. Elle n’avait pas besoin de m’entendre me plaindre. D’un ton enjoué, je lui demandai : « Et toi, qu’est-ce que tu deviens ? Est-ce que tu es devenue psychologue pour finir ? » Leigh me parlait souvent de ses projets de faire des études de psychologie. Je l’encourageais dans cette voie, lui promettant qu’elle ferait une psy formidable. Et je n’avais jamais menti à Leigh lorsque je lui disais qu’elle était une fille intelligente et très compréhensive. J’admirais toujours ses notes parfaites au lycée lorsque j’avais bien du mal à atteindre la moyenne. Il faut dire qu’à l’époque, je ne faisais pas grand-chose pour avoir de bonnes notes. Toujours à sillonner la réserve, je ne planchais pas beaucoup sur mes cahiers. L’université m’avait bien changé, car j’y étais devenu un élève brillant, toujours à poser des questions compliquées aux professeurs qui finissaient par craindre de me voir débarquer dans leurs classes. Cette pensée me fit sourire.

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Leigh Wade

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Leigh Wade

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« Long time, No See » (Leigh) _
MessageSujet: Re: « Long time, No See » (Leigh)   « Long time, No See » (Leigh) EmptyLun 15 Nov - 21:56

L'un des principaux traits de caractère de Leigh, et il s'agissait sans conteste d'une qualité, était qu'elle n'était pas amère. Evidemment, si on la blessait vraiment, profondément, la jeune femme s'efforçait de prendre une grande inspiration, et de poursuivre son chemin sans un mot. Elle ne cherchait pas à se venger, ou à éclaircir les choses une fois qu'elle avait décidé que ça n'en valait pas la peine. Si elle gardait toujours une place particulière dans son coeur pour les gens qui avait compté un jour ou l'autre, elle arrivait toujours à un moment ou un autre à se détacher des mauvais souvenirs, et à ne garder que les bons. Bien évidemment, elle n'en oubliait pas ce qu'il s'était passé pour autant, elle ne pardonnait pas toujours même. Mais elle savait se montrer... clémente, et détachée. Il lui était arrivé de s'énerver et de souhaiter du mal dans les rares moments où elle se mettait en colère, mais d'une manière générale, à moins d'avoir une excellente raison – et cela n'était pas encore arrivée jusque là -, elle n'avait jamais fait de mal à quiconque volontairement, et elle espérait sincèrement rester ainsi. Rien n'était certain, évidemment, mais la jeune femme faisait de son mieux pour appliquer les conseils qu'elle était amenée à prodiguer pendant les séances de psychanalyse de ses patients, et pour ne pas entretenir ce genre de sentiment. Détester quelqu'un, lui en vouloir... c'était tout simplement épuisant, et la jeune femme n'avait pas d'énergie à dépenser dans ce genre de choses. Elle essayait, tout du moins. Ce n'était pas chose aisée tous les jours, mais... elle y arrivait la plupart du temps. Prenez Editon, par exemple. Si elle avait été d'accord avec lui sur le fait que leur relation, si ils l'avaient poursuivies, aurait été vouée à l'échec à distance, elle lui en avait voulu de ne pas pouvoir essayer ; du moins l'adolescente qu'elle était lui en avait voulu. Elle n'aurait probablement pas accepté – surement pas, même – mais rien que la proposition... Cela aurait été une dernière preuve qu'il tenait à elle. Mais elle s'était rapidement rendue compte que lui en vouloir était ridicule. Elle aurait eu mille fois plus de mal à se détacher de lui sans cela – et sans l'aide de ses acolytes, les jumeaux Cadogan. Une fois le choc de la séparation passée, elle s'était remise plutôt rapidement. Il avait toujours gardé une place particulière dans son coeur, mais elle ne l'avait pas non plus pleuré pendant des mois. C'est notamment pourquoi elle était sincèrement heureuse de le retrouver ici, et d'avoir une chance de discuter avec lui. Elle souhaitait découvrir ce qu'il devenait, si il avait réalisé ses rêves, si il avait préservé cette fougue, et cette passion qui le caractérisait plus de dix ans auparavant. Onze ans précisément... dieu qu'il s'en était passé des choses en onze années ! La jeune femme avait elle-même du mal à y croire. Leigh était tombée amoureuse de Christopher, malgré la longue amitié qui les avait toujours uni. Mais il était parti pour ses études, et puis pour toujours. La jeune femme poursuivait pendant ce temps ses études en psychologie, prenait soin de son père malade, tentait d'épargner sa mère un maximum, et regardait son frère enchainait les conneries après les autres ; conneries d'une importance telle qu'il se trouvait en prison à l'heure actuelle. Elle avait fini par offrir – ou plus exactement l'alcool l'avait offerte – à Eugene, et ils avaient fini par devenir un couple parfait. Aux yeux de tout le monde en tout cas ; pas aux yeux des siens, et encore moins ces derniers mois. Mais cette partie, Leigh se garderait bien de le lui dire. Ils n'étaient que de vieilles connaissances, plus rien ne les unissait réellement si ce n'est le souvenir d'un premier amour et c'était plus que rafraichissant.
Si voir les mêmes têtes sans arrêt avait quelque chose de rassurant, et n'avait jamais posé de problème à Melle Wade, voir de « nouvelles » têtes – même anciennes – avait quelque chose de bon, d'agréable. Ce n'était plus les mêmes conversations à partager, ce n'était plus les mêmes potins à raconter... C'était comme recommencer à zéro à moindre échelle, et c'était loin de déplaire à la jeune femme. Surtout en ce moment.

Elle l'écouta attentivement, un sourire éclairant son visage lui raconter sa vie. Il avait apparemment réussi dans ses études, et c'était quelque chose dont Leigh n'avait jamais douté. Editon savait faire preuve d'une telle ténacité parfois... Il ne pouvait que réussir dans ce qu'il entreprenait pour peu qu'il le souhaite vraiment. Son retour dans la ville – et par conséquent, dans la réserve – ne l'étonna que peu. Elle faisait partie de ces personnes convaincues que l'on revient toujours à ses origines. Elle n'avait pas toujours été certaine qu'il reviendrait vivre à Ozalee, mais qu'il reviendrait au moins pour les vacances, c'était une certitude. Leigh avait eu cette même certitude à propos de Christopher, et il était revenu lui aussi – dans des circonstances qu'elle lui aurait souhaité meilleures, mais il était revenu. Même si cela ne ravissait pas vraiment la jeune femme, c'était une autre histoire. Un sourire surpris se dessina sur son visage cependant, lorsque Editon lui annonça qu'il était marié. Ce n'était pas qu'il soit marié qu'il se trouvait être surprenant – Leigh l'avait toujours vu se marier un jour ou l'autre... mais c'était probablement ses désirs d'adolescent qui ressortaient – mais qu'il le soit déjà. La façon dont il avait placé les derniers événements dans sa phrase laissait à penser que ce mariage était récent – autant, voire plus que son retour. « Et qui est l'heureuse élue ? » casa-t-elle avant même qu'il ait eu le temps de finir sa phrase. Son intérêt était sincère, et si elle s'était presque attendue à ce que la jalousie de son adolescence se manifeste ne serait-ce qu'un chouilla, mais ce n'était pas le cas. Une pointe de jalousie, peut être, avait titillé le coeur de Leigh, mais cela n'avait rien avoir avec Editon... C'était l'amour certain, qui durerait éternellement que lui enviait Leigh... « Et toi, qu’est-ce que tu deviens ? Est-ce que tu es devenue psychologue pour finir ? » La jeune femme hocha la tête, fière. C'était un rêve qu'elle avait depuis sa plus tendre enfance, et quelque chose qui l'avait toujours suivi, d'une manière ou d'une autre. Et elle l'avait réalisée. Là où tant d'autres changeaient d'avis en cours de route, n'étaient pas à la hauteur de leur ambition – ou leur porte monnaie n'était pas à cette hauteur -, Leigh avait réussi. « Oui, j'ai mon propre cabinet en ville, à deux pas de l'église. » Elle reposa son regard sur la foule qui commençait clairement à se disperser, et entreprit de raconter sa vie qui n'avait rien d'idyllique, elle le réalisait maintenant, comparé à son métier, ou à ce dont elle avait jamais pu rêvé. « Je suis en couple avec Eugene depuis... sept ans, maintenant. Presque huit. On vit ensemble depuis trois ans et demi. Mon frère... n'a pas vraiment changé, il continue sa vie. Et je n'ai pas vraiment quitté la ville, hormis pour prendre des vacances. » Elle reposa son regard sur Editon. « Mais ça me convient plutôt bien, ce style de vie. » conclut-elle. Et après tout, c'était vrai... Elle n'était pas malheureuse. C'était déjà beaucoup.
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Editon Whitehead

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MessageSujet: Re: « Long time, No See » (Leigh)   « Long time, No See » (Leigh) EmptyDim 21 Nov - 21:18

C’était la première fois que je parlais de mon mariage à une connaissance, ou à quelqu’un qui ne vivait pas à la réserve. Evidemment, à Ozalee, tout le monde était au courant que j’étais à présent marié à Tallulah et tout le monde s’en réjouissait sincèrement. Ou du moins, je le pensais. Je n’avais jamais vraiment discuté avec les autres, préférant rester dans mon coin, sachant pertinemment que je devrais mentir quand on me poserait des questions. Et je détestais mentir. Parler de cela avec Leigh me paraissait difficile. J’ignorais pourquoi, mais je n’avais pas envie qu’elle sache que j’étais marié. Comme si, quelque part, je regrettais notre relation passée. Ce n’était pas le cas. Notre histoire était une histoire d’amour d’adolescents, c’était une période assez joyeuse de ma vie (bien que j’aie été obligé de garder plus ou moins le secret à la réserve, à cause de mes parents) et je m’en souvenais avec bonheur. Nous nous étions quittés en bons termes et ne ressentions plus rien l’un pour l’autre, rien d’autre qu’une affection certaine, bien loin d’une attirance ou de quoi que ce soit du genre. Cependant, c’était la première fois que nous nous revoyions depuis mon départ pour Phoenix dix ans auparavant. Et j’ignorais pourquoi, mais cela me faisait un drôle d’effet de lui parler d’emblée de ce mariage que je n’avais même pas désiré. Mais loin de moi l’idée que je puisse la reconquérir. Pour moi, Leigh n’était qu’une amie et cela n’irait pas plus loin. C’était peut-être pour me sortir ces idées de la tête que je lui avais dit d’emblée que j’étais marié. Ou peut-être également pour officialiser la chose dans mon esprit. Car bien que j’avais fini par accepter ma situation, j’avais encore l’impression de vivre dans une espèce de brouillard, comme si rien n’était bien défini et que je n’étais peut-être pas vraiment marié. Lorsqu’elle me demanda qui était l’heureuse élue, je ne savais pas comment lui annoncer que c’était Tallulah. En effet, Tallulah et moi ne nous étions jamais fréquentés lorsque je vivais encore à la réserve, et encore moins lorsqu’elle et moi avions mis les voiles hors de la réserve. C’était comme si cette union pouvait paraître étrange aux yeux de Leigh. Et elle aurait tous les droits de la voir d’un mauvais œil, car jamais je n’avais parlé de Tallulah à Leigh, ni en bien ni en mal. Je ne l’avais simplement jamais mentionnée dans une conversation. « Tallulah Blackfeet. » Je me limitai à son nom et à son prénom, car je ne voyais rien d’autre à ajouter. Ce n’était pas comme si mon épouse et moi avions un passé amoureux digne d’être raconté. Nous ne nous étions pas rencontrés de façon romantique (la réalité était le radical opposé), n’avions pas eu de coup de foudre (je cherchais encore comment l’aimer). Nous étions deux jeunes gens mariés contre leur gré. Mais cela bien sûr, c’était un fait que j’allais garder sous silence. Du moins pour l’instant. Je me voyais mal déballer ce que j’avais sur le cœur au beau milieu de cette fête et plomber l’ambiance légère de nos retrouvailles, à Leigh et à moi.

Je ne m’étonnais pas vraiment que Leigh ait réalisé son rêve de devenir psychologue. Ce qui m’étonnait un peu plus, c’était de constater qu’elle avait préféré rester à Ruby Creek Falls pour ouvrir son cabinet. Je l’imaginais plus ambitieuse que cela. Ceci dit, elle avait toujours eu un attachement particulier à la ville et si, comme elle le disait, elle était en couple avec Eugene depuis si longtemps, elle avait peut-être décidé de rester pour lui. Je ne connaissais pas particulièrement le jeune homme, simplement des rumeurs sur son compte et je devais même avouer ne lui avoir jamais parlé. Je n’avais aucun à priori sur lui, je ne me fiais guère aux rumeurs et aux bruits qui couraient en ville. Je préférais toujours m’en remettre à mon propre jugement.

« Je suis content que tu aies ton propre cabinet et que tu es heureuse. C’est le principal, non ? »

J’avais la gorge un peu sèche et je mourrais d’envie de boire quelque chose. Je n’avais pas encore eu l’occasion de payer un verre à Leigh. Après tout, si nous devions discuter une bonne partie de la soirée, autant le faire autour d’un verre.

« Je t’offre un verre ? Jus de citrouille, bière, vin chaud –je déconseille, il n’est franchement pas génial- autre chose ? »

J’attendis qu’elle me réponde pour me lever et aller chercher la commande. Je patientai très peu dans la file d’attente et revins rapidement avec nos deux verres, vraiment heureux de retrouver Leigh. Je lui tendis sa boisson et lever mon verre pour trinquer.

« A nos retrouvailles ! »

J’étais réellement heureux de la retrouver, j’avais ainsi l’impression de renouer avec mon joyeux passé à Ozalee et avec tout le reste. Avant que les choses ne se compliquent, avant que ma vie ne devienne un vrai désastre. Avant que je ne marie. Cela me semblait étrange, depuis que j’étais tombé sur Leigh, je me prenais à regretter amèrement mon mariage, alors qu’avant cela je l’avais accepté. Certes, je n’étais toujours pas à l’aise avec l’idée que j’allais partager toute ma vie avec une femme que je n’avais pas désiré épouser, mais je m’y étais fait et j’étais prêt à faire de grands efforts pour que cela marche. J’avais vraiment envie que cela marche. D’autant que Tallulah était enceinte et qu’elle avait besoin d’être soutenue. Je savais qu’il y avait 50% de chances que le bébé ne soit pas de moi, et si j’avais eu du mal à l’admettre dans un premier temps, je m’étais dit que cela ne faisait pas de réelle différence. Cet enfant, je l’élèverais et l’aimerais comme un père. L’idée de devenir papa m’effrayait, je ne pouvais le nier. Je n’avais jamais pensé avoir un enfant, c’était quelque chose d’absolument fou à mes yeux. Et d’un coup je me retrouvais marié et futur papa. Les choses allaient bien trop vite pour moi. Mais je m’y étais habitué et trouvais presque du plaisir à dire que Tallulah était enceinte, même si j’avais la trouille d’être un mauvais père, de ne pas être à la hauteur. J’avais vraiment peur, et cela, je n’avais encore jamais osé l’avouer à mon épouse. Je ne savais pas comment le lui dire, ou le lui faire comprendre. Elle aussi devait avoir peur, et elle avait d’autres soucis que celui de gérer ma peur.

« Et toi et Eugene, vous comptez vous marier ? »

Après huit ans de relation, cela m’étonnait qu’ils n’étaient pas encore mariés. D’autant que Leigh aimait la stabilité et les situations bien ordonnées, enfin, dans mon souvenir.


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Leigh Wade

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MessageSujet: Re: « Long time, No See » (Leigh)   « Long time, No See » (Leigh) EmptySam 27 Nov - 15:09

Lorsque Leigh apprit le nom de la jeune femme qu'avait épousé Editon, elle fut légèrement surprise. Ce ne fut pas tant qu'il s'agisse de l'indomptable Tallulah – Leigh ne la connaissait que de vue -, mais plus qu'il s'agisse d'une indienne. Il avait mis tellement du sien à lui expliquer que jamais il n'épouserait une indienne de la tribu lorsqu'il était adolescent que cela était surprenant. Mais la jeune s'abstint de tout commentaire. On évolue tous différemment en grandissant, et Leigh la première. Jamais elle ne se serait vu en couple depuis aussi longtemps, et encore moins avec Eugene Cadoghan. Mais c'était le cas, et même si ces derniers mois s'étaient avérés... compliqués, Leigh n'en restait pas moins heureuse de sa situation – du moins, elle tentait de l'être. Si Editon n'avait pas l'air du jeune marié le plus enchanté de la terre, la jeune femme se contenta d'acquiescer, un sourire aux lèvres. Que pouvait-elle dire, de toute façon ? Il ne s'agissait pas d'un patient qui demandait une analyse psychologique, ni même d'un ami proche qui semblait avoir besoin de parler sans oser. Il y avait anguille sous roche, cela se lisait clairement sur le visage de Editon, mais cela ne regardait en rien la jeune femme, et elle n'avait jamais été du genre à s'immiscer dans la vie des gens dont elle n'était pas proche. Elle acquiesça une nouvelle fois lorsqu'il lui dit qu'être heureux était ce qui importait. En effet, c'était le cas. Evidemment, rien n'était parfait dans sa vie à l'heure actuelle, il n'y avait que professionnellement qu'elle n'avait aucun soucis, et c'était bien ce qui avait toujours compté le moins pour elle. Si elle était fière de sa carrière, et ne regrettait pas un seul instant l'affaire qu'elle avait monté elle-même en partant de rien, elle aurait sans hésitation sacrifié son cabinet pour une vie de famille. Mais ce n'était pas au goût du jour dans son couple. Son couple, lui-même, n'était probablement plus au goût de Eugene, tout court. Et il faudrait bien que Leigh l'accepte, et finisse par prendre les devants. Elle ne connaissait que trop bien Eugene. Quoiqu'en dise, quoiqu'elle pense de son attitude, il restait un homme foncièrement bon qu'elle était fière d'avoir dans sa vie. Il était probablement capable de rester avec elle au nom de l'amitié qu'ils partageaient depuis des années pendant encore un moment. Pas éternellement, mais encore un bon moment... Elle n'eut cependant pas le temps de se perdre dans ce genre de pensées que Editon lui proposait à boire. « Une bière, s'il te plait. » Lorsqu'il partit le temps de récupérer les verres au stand qui se trouvait en face d'eux, Leigh ne put s'empêcher de vérifier si Eugene ne l'avait pas appelé, ou n'aurait pas laissé un message. Ce fut avec surprise qu'elle vit son nom s'afficher avec le début de son message. Son coeur manqua un battement. Elle avait une chance sur deux. Soit il l'informait qu'il prenait la route, soit il l'informait qu'il avait trop bu, et ne rentrerait que le lendemain. Dans la seconde hypothèse, Leigh était certaine de ne pas dormir de la nuit. Elle décida de laisser la lecture du sms à plus tard, et de profiter de ses retrouvailles avec Editon. Il ne tarda d'ailleurs pas à revenir, et c'est de bon coeur qu'ils trinquèrent.
C'était étrange de se retrouver dans cette situation. Dix ans plus tôt, c'était avec Eugene et Christopher qu'elle passait les soirées où Editon et elle ne se voyaient pas, et c'était à eux qu'elle se confiait à son sujet. Si elle n'avait aucune intention de s'étendre sur sa vie de couple, la situation n'en restait pas moins cocasse. Et à vrai dire, jamais elle n'aurait pensé se retrouver dans une telle situation. Oh, elle ne s'était jamais imaginée finir sa vie avec Editon. Cela avait plutôt été le contraire, pour être honnête. Si elle l'avait sincèrement aimée, jamais elle ne s'était dit qu'il pourrait revenir à Ruby Creek Falls, et qu'ils auraient une deuxième chance. Elle n'en avait jamais voulu. Lorsqu'ils avaient du se séparer, Leigh avait eu l'impression qu'une page se tournait, une page sur laquelle elle ne ressentirait pas le besoin de se retourner. Elle gardait d'excellents souvenirs des mois passés avec Editon, et il aurait toujours une place dans son coeur – il était sa première fois après tout -, mais cela n'allait pas plus loin. Leigh aurait très bien pu passer sa vie sans le revoir. Il ne lui aurait pas manqué. Pas vraiment, en tout cas. Editon était pour la jeune femme un souvenir d'adolescence à qui il fait bon de repenser dans les moments de nostalgie. Rien d'autre.

« Et toi, et Eugene, vous comptez vous marier ? » La jeune femme se figea. Elle n'aimait pas la tournure que prenait la discussion. Aussi s'empressa-t-elle de répondre, et de changer de sujet. « Cela ne fait pas partie de nos priorités pour le moment, non. Mais un jour peut être, qui sait ? » Elle avait tenté comme elle le pouvait de paraître détachée, mais cela ne faisait que lui rappeler que son couple était entrain de tomber en lambeaux, un sentiment qu'elle avait de plus en plus de mal à supporter. Elle comprenait cependant que ça semble étrange à Editon que leur union ne soit pas officialisé. Mais à vrai dire, cela n'avait jamais été quelque chose à la jeune femme tenait particulièrement. Ou plus exactement, elle faisait partie de ces femmes – dit modernes – qui préféraient attendre pour se marier d'avoir la certitude qu'elle avait rencontré l'homme à qui elles pourraient tout pardonner, qui pourrait tout leur pardonner, et que la phrase « jusqu'à ce que la mort nous sépare » ne soit pas qu'une phrase, mais une réalité. Alors, qu'en huit ans, le mot « mariage » ne soit jamais prononcé entre Eugene et elle ne lui avait jamais posé problème. Et encore à l'heure actuelle. A vrai dire, à l'heure actuelle, elle en était presque reconnaissante puisque cela signifiait que la jeune femme n'avait pas commis d'erreur monumental en enfermant Eugene dans une union qu'il ne souhaitait pas. Après tout, si il était amoureux de cette femme qui le lui volait, ne pas s'être marié plutôt était une bonne chose. Probablement le choix le plus sensé qu'ils aient jamais fait de leur vie.
Leigh ferma les yeux l'espace d'une demi-seconde, et enchaina. « Alors, qu'est-ce qui t'a poussé à rentrer au bercail ? Ne rêvais-tu pas de conquérir le monde ? » Dans ses souvenirs, c'était le cas, en tout cas. Si ce n'était pas le cas au sens littéral du terme, elle se souvenait d'un Editon qui avait de l'ambition, et rêvait de travailler pour l'un des plus grands cabinets d'ingénieur.
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Editon Whitehead

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MessageSujet: Re: « Long time, No See » (Leigh)   « Long time, No See » (Leigh) EmptyMar 7 Déc - 20:27

Ruby Creek Falls était une petite ville perdue où rien n'avait vraiment de sens. Ozalee était peut-être encore plus arriérée que la ville. Editon s'était toujours promis d'en sortir, de partir loin et de ne jamais y revenir. Il voyait plus loin que le bout de la route 90. Il avait toujours eu de l'ambition et il l'avait toujours fait comprendre à tout le monde. Ce n'était un secret pour personne qu'il irait faire ses études loin d'ici et qu'il réussirait ce qu'il entreprendrait. Il avait toujours été un garçon volontaire, bien qu'assez médiocre au lycée, mais simplement parce qu'il ne se donnait pas la peine de travailler ses leçons et encore moins d'écouter ses professeurs. La preuve était qu'il avait réussi ses examens de sélection à la Phoenix University avec une facilité déconcertante. Ce qui était plus étonnant, c'était qu'il était revenu s'enterrer ici alors qu'il aurait pu avoir un avenir bien plus brillant loin de Ruby Creek Falls. Il était conscient que les gens parlaient à son sujet, à la réserve comme en ville. Mais il n'en n'avait cure. Il n'avait jamais vraiment accordé de crédit à ce qu'on disait sur lui. Les rumeurs, il y avait bien longtemps qu'il avait cessé d'y prêter attention. Certains racontaient qu'il s'était fait virer à Phoenix, d'autres qu'il avait des ennuis avec la justice et qu'il était venu se cacher ici où on ne le retrouverait jamais -ce qui était plus que ridicule et stupide puisque ce n'était un secret pour personne, et encore moins pour l'Etat, qu'il était né à Ozalee. D'autres s'imaginaient qu'il était venu demander pardon à ses parents d'être parti et d'avoir voulu vivre une vie d'Américain en reniant ses racines indiennes. A ceux-là, il avait souvent envie de dire qu'ils n'avaient vraiment rien compris. Mais il serrait la mâchoire et passait son chemin, bien conscient que faire des remous n'arrangerait rien à sa situation. D'ailleurs, qu'est-ce qui pourrait bien l'arranger? Le temps, peut-être. Mais impatient qu'il était, Editon n'avait aucune envie d'attendre. Alors qu'il se trouvait là avec Leigh, le jeune homme se prit à penser à son épouse. Que pouvait-elle bien faire en ce moment? Avec qui passait-elle la soirée? Il n'en savait rien. Il n'avait même pas pris la peine de le lui demander. Quel bien piètre mari il faisait! Il eut un petit sourire en coin à cette pensée.
La question de Leigh l'avait interpelée, certes. Il rêvait bien de conquérir le monde. Il s'était imaginé chef d'entreprise à 30 ans, riche à souhait, célèbre, et respecté. La réalité avait tôt fait de le rattraper. Un ingénieur ne devient pas chef d'entreprise. Un ingénieur fait ce qu'on lui dit et les autres ramassent les récompenses qui lui seraient dues. Et il ne travaillait pas dans une firme high tech, mais dans un bureau d'architectes. Certes, son travail lui plaisait, mais il était tellement loin de ce à quoi il avait toujours aspiré... Sa vie était tellement différente de ce qu'il s'était imaginé. Il aurait certainement besoin d'une thérapie !

" C'est un peu compliqué. J'aurais certainement besoin de quelques séances dans ton divan de psy pour expliquer mon retour. Moi-même je me pose encore la question. "

Ce n'était pas un mensonge, bien qu'il essayait lui-même de se convaincre qu'il était revenu à Ruby Creek Falls parce qu'il en avait réellement envie. Car au départ, il était revenu se ressourcer. Son séjour n'aurait pas dû être aussi long. Il n'avait jamais planifié de se marier et de devoir rester ici. Et maintenant qu'il était responsable de Tallulah et du bébé qu'elle attendait -qu'ils attendaient-, il ne pouvait plus s'en aller. Il ne pouvait pas non plus lui imposer ses moindres désirs et l'emmener à l'autre bout du pays. Tallulah était une enfant d'Ozalee et Editon était intimement persuadé qu'elle ne serait jamais heureuse qu'ici. La preuve, c'était qu'elle était revenue travailler et vivre ici.

" Disons que j'avais besoin de faire un petit retour aux sources. "

Ed n'avait pas vraiment envie de parler de Mia à la jeune femme. Son histoire était compliquée, et douloureuse. Il avait peur de voir ressurgir à la surface toute une série de souvenirs qu'il avait enterré au fin fond de sa mémoire au prix de nombreux efforts. De plus, la simple évocation de son ex, cette droguée incorrigible, menteuse et manipulatrice risquait de lui donner d'autres envies de fuite. Car si cette relation avec Mia l'avait détruit, fatigué, éreinté, déprimé, elle lui manquait terriblement. Editon n'avait jamais réellement eu de relations stables, hormis cette qu'il avait entretenue avec Leigh. Sans aucun doute la seule et l'unique qu'il avait jamais eue. Aujourd'hui il était marié, mais c'était pour de sombres raisons et pas au nom d'un amour indescriptible. Toutes les filles qu'il avait connues pendant qu'il était à Phoenix avaient fini par le détruire. C'était comme s'il attirait les cas désespérés. Cependant, Mia était la cerise sur le gâteau, la pire de toutes. Et celle qu'il avait le plus aimé, certainement, il n'avait pas peur de l'avouer. Elle l'avait fait tellement souffrir, mais les moments heureux qu'ils avaient passés ensemble étaient les meilleurs de tous. Son mariage lui semblait si plat comparé aux scènes de son ancien couple! C'en était ennuyeux, d'autant que lui et Tallulah ne s'aimaient pas. Ils ne pouvaient même pas dire qu'ils étaient attirés l'un par l'autre, car ç'aurait été un mensonge gros comme une maison. La seule fois où ils avaient couché ensemble, c'était plus par dépit et désespoir que par réel désir de l'autre. Et cette unique fois avait peut-être été à l'origine de la grossesse de Tallulah. Mais rien n'était sûr, et Editon était quelque peu sceptique. Mais soit, il était déterminé à donner une famille unie à l'enfant qui viendrait à naître, qu'il soit le sien ou celui d'un autre.

Les pensées de l'ingénieur furent interrompue par une sonnerie de téléphone. Il sentit son portable vibrer dans sa veste et, soupirant, il le sortit de sa poche. Sur l'écran brillait le numéro d'un de ses collègues. Que pouvait-il bien lui vouloir à une heure pareille? " Excuse-moi, Leigh, je dois décrocher. " Il s'éloigna un peu pour prendre l'appel et décrocha bien à contrecoeur, après avoir émis un bruyant soupir. Le fameux collègue lui expliqua qu'il y avait eu un problème sur un de leurs chantiers et qu'il fallait trouver une solution rapidement, avant qu'il n'y ait trop de dégâts. Editon répliqua qu'il n'était pas responsable du projet et qu'il n'avait pas à se deplacer au milieu de la nuit pour réparer les erreurs d'un autre. L'autre s'énerva et Editon finit par céder. Il raccrocha en promettant de venir le plus vite possible. Il soupira et rangea son téléphone. Lorsqu'il revint vers Leigh, il était complètement dépité.

" Je suis désolé, mais je vais devoir t'abandonner. Il y a un problème avec un des chantiers sur lesquels on travaille. Des piliers qui s'enfoncent dans le sol, je n'ai pas bien compris. Ils ont besoin de moi... "

Il sortit de la poche intérieure de sa veste une petite carte de visite qu'il tendit à Leigh.

" Mon numéro. Appelle-moi qu'on termine cette discussion un jour. Ca m'a vraiment fait plaisir de te revoir. Passe une bonne soirée. Je suis désolé, je ne peux même pas te proposer de te raccompagner chez toi, je dois vraiment me dépêcher. A bientôt ! "

Il salua la jeune femme, après avoir hésité à l'embrasser sur la joue. Il s'éloigna presqu'en courant pour rejoindre sa maison. Il laisserait un petit mot sur la table pour Tallulah si elle n'était pas rentrée, histoire qu'elle ne s'inquiète pas outre mesure. Mais la perspective de partir pour le boulot à cette heure si tardive de la nuit ne l'enchantait guère et il dut beaucoup lutter pour prendre le volant et faire les 50 kilomètres qui le séparaient du chantier...



THE END
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