DANS-JEU ; L'imagination gouverne le monde (Napoléon)

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NOM : Chelmsford PRENOMS : Corey Ephram Stuart DATE (Âge) & LIEU DE NAISSANCE (Etat) : June 3rd 1984 in New York TAILLE & POIDS : Does it matter? EMPLOI/ETUDES : Gratuated from Yale University in Cognitive Science GROUPE : Citizens

C’est en plein Idaho que le drame était arrivé. Ils étaient sur l’une des nationales, s’étaient arrêtés à un fast-food en bord de route, épuisés par les heures passées au volant. Ils étaient cinq. Cinq New-Yorkais, tous ayant au moins vingt-cinq ans et ayant un seul objectif : les plages californiennes. C’était leur cadeau de fin d’études, pour la plupart. Ils sortaient de Yale et voulaient décharger des années d’études poussées pendant quelques semaines et pour ce faire, quoi de mieux que Los Angeles ? Parmi eux, il y avait Corey qui voulait surtout échapper à un avenir tout tracé. La pression faisait déjà son effet alors qu’il n’avait même pas investi les bureaux de la compagnie paternelle. Les Chelmsford avaient cela dans le sang. Ils vivaient pour leur argent, pour faire augmenter leur compte en banque et vivre parmi les leurs, d’autres riches qui n’en avaient jamais assez, qui ne se lassaient jamais des soirées mondaines et des cancans. Tout résidait dans la réputation et celle des Chelmsford n’était plus à faire. Alors, oui, évidemment, il y avait des moutons noirs parmi cette famille ultra friquée, le principal étant Peter Chelmsford, l’oncle de Corey. Corey ne savait pas grand-chose de lui sinon qu’il avait « déserté » son devoir, qu’il était parti quelque part en Russie pour d’obscures raisons que les Chelmsford n’aimaient pas mentionner, et qu’il avait terminé sa course à l’autre bout du pays. On disait qu’il préférait s’amuser plutôt que d’assumer et qu’il en subissait à présent les conséquences. À ce que Corey savait, la fille de Peter avait été la victime d’un meurtrier et il avait par la même occasion redécouvert un fils à moitié russe dont il avait soigneusement évité de parler durant plus de vingt ans. C’était peut-être ce côté marginal et rebelle qui intéressait tant Corey alors qu’il s’était embarqué avec sa bande d’amis, fils et filles à papa, tous autant qu’ils étaient. Il avait tant entendu de mal de cet homme qu’il en était devenu légendaire et, bientôt, il était devenu une évidence que Corey devait rencontrer cet homme maudit par sa famille. Toutefois, n’étant pas quelqu’un de très « familial », Corey savait également que cet objectif n’était qu’une excuse pour désobéir et décevoir son père qui devait sûrement rager, à l’heure qu’il était. Cette simple perspective faisait bien sourire Corey alors qu’il était vautré dans un fauteuil, une bière posée devant lui, Tara, sa petite amie, blottie contre lui.
Il avait le regard vitreux, à cause d’une consommation abusive de substance illicite, cela faisait déjà moment qu’il avait décroché et ne suivait plus la conversation. Au lieu de cela, il fixait un point, au loin et lorsqu’on réclama son attention, il dévia simplement du regard, haussant les sourcils d’un air tout juste intéressé.
- Mmmh ?
- J’disais qu’on aurait mieux fait de prendre l’avion, franchement, on est où ? C’est un trou paumé.
- C’est l’Idaho, rétorqua Corey d’un air agacé avant de se redresser, forçant Tara à faire de même. J’dois aller pisser.
Tara et son voisin, l’ancien colocataire de Corey, se levèrent pour le laisser passer et il se dirigea vers une porte close, la démarche peu assurée, abandonnant les autres à leurs plaintes inutiles. Il n’était lui-même pas particulièrement fan du trajet et de la tournure qu’avait pris leur voyage mais prendre l’avion aurait signifié révéler à son père la destination choisie alors que partir en voiture à l’improviste le laisserait un peu plus longtemps dans le vague. Alors, oui, Corey trouvait l’endroit plutôt répugnant mais s’il fallait passer par-là pour rejoindre la Californie, eh bien, il irait, un point c’est tout. De plus, le fait qu’il soit complètement ivre et shooté à la fois aidait grandement.
Les toilettes étaient à l’image du reste. Peinturlurées de graffitis mal orthographiés et de dessins grossiers, le genre qu’on voyait rarement dans les établissements que Corey fréquentait d’habitude. Il se dirigea vers l’un des éviers et pressa le bouton. Mais rien n’en sortit. Il retenta, avec une touche d’irritation et comme il n’y avait aucun résultat, il jura entre ses dents et ressortit. Il passa devant la table qu’il occupait un instant plus tôt et se dirigea vers la sortie. Il ignora les appels de ses amis et retrouva l’air frais nocturne de ce début novembre. Il en avait marre de rester à l’intérieur. S’il avait laissé ses envies prendre le dessus, il se serait certainement mis à courir le long de la route. Au lieu de cela, il opta pour le raisonnable et fouilla ses poches à la recherche de son briquet. Comme il pressait nerveusement sur le bouton, la porte du snack s’ouvrit et Tara apparut, frissonnant dans sa petite robe d’été. Elle se croyait déjà en Californie.
- Corey ?
Le jeune homme lui décocha une œillade en soufflant sa première bouffée de nicotine par les narines et reporta ensuite son attention sur le paysage plongé dans l’obscurité. Le froid le frigorifiait mais son esprit était trop embrumé pour qu’il fasse quoi que ce soit pour se réchauffer.
- Corey, reviens à l’intérieur, on se les gèle ici.
- J’arrive, j’prends juste l’air, marmonna-t-il sans la regarder, et elle n’entendit donc pas sa réponse.
- J’aime pas que tu restes seul dehors dans cet état…
Corey ricana. En réalité, il n’était pas un consommateur assidu de drogue. Il lui arrivait juste de fumer un joint de temps à autres mais là, il n’avait pas pu résister, il avait accepté les pilules, quelles qu’elles soient et, à présent, il planait, à mille lieux de là où ils étaient. Tara insista une fois de plus, un peu plus pressante et Corey se tourna vers elle tout en reculant, s’exclamant à voix haute, cette fois :
- Quoi ?! De quoi t’as peur ? Que je me fasse agresser ? Y a pas un chat à des kilomètres à la ronde ! Ce qui me fait dire qu’on va encore galérer pour trouver un motel !
Il la vit croiser les bras sur sa poitrine, vaine tentative de réchauffer ses membres engourdis par le froid. Lui, il s’éloignait toujours.
- Pas moyen d’appeler pour des renseignements puisqu’il n’y a pas de réseau et pense même pas à demander à ces péquenauds, j’suis pas certain qu’ils aient vu autre chose que ce trou !
- Corey !
Ce n’était pas un rappel à l’ordre, elle ne tentait pas de le calmer. Il s’agissait plutôt d’un cri paniqué.
- T’inquiète ! Je gère ! J’ai plus quatre ans !
C’est à ce moment-là que le coup de klaxon impérieux le ramena à la réalité et il tourna la tête, haussant les sourcils d’un air surpris alors qu’il était aveuglé par les phares. La suite n’était qu’un trou noir.

L’infirmière s’impatienta. Cela faisait une bonne vingtaine de minutes qu’elle attendait que Mlle Wilson daigne se calmer, sécher ses larmes et réponde enfin à ses questions. Il était essentiel qu’elle donne des informations justes et sérieuses. Le garçon était sur le point d’être opéré et dès que tout cela serait terminé, il faudrait prendre soin constamment de lui, et avec précaution. Ce n’était pas un banal accident de la route. Corey Chelmsford avait été affreusement touché, mutilé, aurait même ajouté la jeune infirmière, d’après ce qu’on lui avait raconté. Mais elle n’avait pas vu le corps du jeune homme, même à son arrivée à l’hôpital de fortune qui était le leur. Ils avaient bien tenté d’envoyer la responsabilité ailleurs, là où on pourrait mieux prendre en charge une telle gravité, mais les urgentistes avaient été clairs : il fallait le soigner, et tout de suite, auquel cas il irait accroitre le nombre de victimes de la route de l’Idaho.
Alors il fallait qu’elle tâche d’avoir des réponses pour compléter le dossier médical de Corey et pour avoir des réponses, à une heure si tardive, il fallait que Tara Wilson, la petite amie en pleurs, veuille bien tenter de reprendre ses esprits pour confier tout ce qu’elle savait.

« Mlle Wilson... » soupira Sarah en tapotant nerveusement ses pages blanches. « Voulez-vous bien au moins essayer d’y réfléchir ? »

Pour seule réponse, Tara renifla, chercha du regard un mouchoir et Sarah lui tendit une boite, consternée. Elle voulait bien admettre qu’il y avait de quoi être dans tous ses états après un drame pareil, mais il fallait avoir le sens des responsabilités, il fallait savoir garder son sang-froid, le temps de contribuer au sort du jeune homme. Il fallut encore quelques minutes à la jolie New Yorkaise pour retrouver un semblant de calme et elle porta ses yeux clairs sur le visage de marbre de l’infirmière.

« Mmmh, Corey est quelqu’un qui a la santé fragile, il était allergique à plein de choses, il me semble…
- Comme quoi, par exemple ? »

Tara soupira à son tour, son corps trahissait sa nervosité, elle trépignait sur sa chaise, ses doigts malmenaient le tissu en papier dans lequel elle s’était mouchée.

« Tout et n’importe quoi. Il disait toujours qu’il était allergique au pollen, à la poussière, aux poils de chat, à la connerie humaine… Vous voyez ? Comment savoir tirer le vrai du faux ? Il utilisait tout ce qui l’agaçait pour prétexter une allergie et s’éviter des conversations qui l’ennuyaient profondément.
- Charmant » commenta simplement l’infirmière en prenant note et en veillant à préciser qu’il s’agissait de supposition.

Évidemment, elle ne mentionna pas le dernier exemple de Tara.

« Est-ce qu’il y a une personne de contact que nous pouvons appeler pour avoir de plus amples informations ? »

Tara fixa son interlocutrice d’un air consterné avant de hausser les épaules, d’un geste machinal, comme pour dire, « si vous insistez ». Elle fouilla l’intérieur de son petit sac à main griffé et sortit la carte de visite de Chelmsford senior. Elle tendit celle-ci à l’infirmière, tout en ajoutant, pour clarifier les choses :

« Mais ne vous attendez pas à une aide efficace, le père de Corey est quelqu’un de très occupé. Corey et lui n’avaient pas de relation. Ils ne se voyaient que pour se lancer des horreurs méprisantes à la tête. »

L’infirmière haussa un sourcil. Elle visualisait bien, oui. Elle avait beau avoir vécu la plupart de sa vie en Idaho, elle avait vu ces familles où l’argent régissait tout, des relations à la façon de voir les choses. Il était clair que le jeune homme sur la table d’opération était loin d’être agréable à vivre et que la voix masculine qui répondrait au téléphone d’ici quelques heures serait tout aussi peu amicale. Mais c’était la vie. Les aléas qui la traversaient et qui changeaient le cours des choses. Peut-être que ce drame remettrait les choses en marche, peut-être que ce patriarche découvrirait l’importance d’avoir un fils – parce que visiblement, celui-ci était fils unique – et que l’amour qui leur manquait tant naitrait par magie, pour améliorer ce lien ténu qui les unissait.
Tara, moins bête qu’elle n’en avait l’air, sembla lire les pensées de l’infirmière car elle émit un petit rire moqueur :

« Aucune chance qu’ils se réconcilient. Corey était parti pour faire un affront à son père, je ne sais pas comment M. Chelmsford va réagir en apprenant la nouvelle, mais ça risque de ne pas être beau à voir. »

Sarah n’émit aucune réflexion. C’est Tara qui conclut.

« Je ne serais même pas étonnée qu’il le laisse là pour qu’il réfléchisse aux conséquences de ses actes, et si ce n’est pas le cas, c’est Corey qui fera des pieds et des mains pour ne pas retourner à New York. »

L’infirmière hocha la tête, se leva, sentant bien qu’elle n’obtiendrait pas d’information utile de la part de la jeune femme et elle se dit en elle-même, au moment où elle tournait le dos à Tara : « s’il s’en sort… »

HORS-JEU ; Show us your true colors

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