DANS-JEU ; gold and silver and sunshine is rising up

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NOM : Mezerian PRENOMS : Addison Joleen DATE (Âge) & LIEU DE NAISSANCE (Etat) : 2 mars 1987 (23 ans) à Ruby Creek Falls (ID) TAILLE & POIDS : 1,77m, 64kg EMPLOI/ETUDES : ex-skieuse de haut niveau, désormais hôtesse d'accueil 'chez pierre' GROUPE : the citizens

THEY PUT YOU ON SKIS AT 3 (YOUR VERY FIRST SKIS WERE BRIGHT YELLOW NORDICA WITH A SMILING CHIPMUNK ON THEM) —
Le fait est que, si Addison n’était pas née à Ruby Creek Falls, elle n’aurait probablement jamais chaussé de skis. Elle n’aurait peut-être même jamais vu de neige. De toute façon, même en étant née à Ruby Creek Falls, ce n’était pas tracé d’avance qu’elle se passionne autant pour le ski, au point d’en délaisser ses études, au point d’en faire toute sa vie, au point de vivre uniquement pour ça, au point d’en faire sa carrière. Sa mère ne l’avait pas spécialement poussée à s’inscrire à des cours de ski, elle avait trois ans et c’était avant tout pour l’occuper les mercredis après-midis, rien de plus.
Mais tout s’enchaîne assez rapidement, les cours une fois par semaine, puis deux fois, puis tous les soirs après l’école, une petite heure jusqu’à 5pm. L’attente des premières neiges, cette sensation de fébrilité au moment de rechausser les skis, de reprendre le télésiège, et de descendre sa première piste de la saison. Puis vient le temps des premiers stages, neuf ans à peine, mais déjà des heures passées dans la poudreuse et une maîtrise du ski impressionnante. Les meilleurs sont invités à passer à des stages d’entraînement encore plus intensifs, à aller s’entraîner dans d’autres stations, sur les pistes olympiques, pour se confronter aux épreuves de championnat. Tout se résume à une optique de compétition, il faut être le meilleur, il faut se donner à fond, tout le temps. Les études sont délaissées - sans trop de regrets, même si elle adorait la biologie, le ski prenait le dessus sur tout le reste - chaque heure disponible est dédiée à l’entraînement. Les premières compétitions arrivent, il faut d’abord tout essayer, la descente, le super g, le slalom géant, le slalom, et même le combiné. Et à force d’efforts, de déceptions, de victoires, de joie, de larmes, de médailles et de colères, la discipline de prédilection est trouvée: le super g. Parfait mélange entre descente et slalom, réputé ardu et exigeant, mais Addison n’a pas froid aux yeux, de toute façon, l’avait-vous vue ne serait-ce qu’une seule fois baisser les bras? C’est le crissement de la neige sous les skis, les bouts rouges des skis Atomic s’enfonçant dans la couche de neige fraîche. C’est le e vent qui souffle dans les oreilles, qui claque contre la veste The North Face. C’est cette sensation, cette sensation de liberté; faire les premières traces sur la piste, 9.30am, un lundi matin, hors-saison, personne d’autre, en tête à tête avec les sommets. Prête à affronter l’impossible, prête à gravir les marches des podiums, prête à passer des heures dans le froid s’il le faut (de toute façon, le froid ne transperce même pas les deux sous-pulls techniques et la veste à $500 — encore heureux), prête à passer des heures en salle, que ce soit en musculation ou à faire de la théorie, à regarder en boucle des vidéos de ses propres descentes, à décortiquer seconde par seconde chaque mouvement, chaque virage, chaque porte du slalom.

BEST, YOU’VE GOT TO BE THE BEST (WHEN TEARS ARE USELESS AND PEOPLE ARE SHAMELESS, AND WHEN IT’S TIME TO THINK ABOUT YOURSELF AND NO ONE ELSE) —
C’est le premier super g qui mène à une médaille d’or, la vitesse grisant tous les sens, mais la crainte, toujours, de toucher une porte et de perdre ne serait-ce qu’une milli-seconde sur le temps final; c’est cette première marche du podium, à Ruby Creek Falls, à la maison, devant tous les proches - ou presque. La seule chose qui manque peut-être à Addison c’est une famille unie. Ses parents ont divorcé alors qu’elle n’avait même pas un an, son père partant habiter à l’autre bout du pays, emmenant avec lui le frère aîné d’Addison, Jason. Ils seront séparés toute leur enfance, et même encore après, souffrant d’être séparés contre leur gré. Avec les médailles régionales, puis nationales qui s’alignent, il est temps de passer à l’international, premier voyage à Vancouver, en 2002. Voyage synonyme des premières larmes, de la première défaite après tant de victoires; la sensation d’être inutile, de ne rien valoir face à toutes ces Suédoises et ces Suisses qui s’entraînent dix fois plus, qui passent leur vie à skier (alors que franchement, comment pourraient-elles s’entraîner plus de 10h par jour? c’est la colère qui parle, la colère contre soi-même, contre son corps — tant de stress, c’est trop pour une ado de quinze ans).
Au milieu de tout ça, la vie au lycée continue, difficilement, certes. Difficile de revenir à la réalité après un weekend passé dans le blanc, masque vissé au visage. Mais il faut l’avoir ce diplôme, just in case, just in case. Ces trois mots font frissonner Addison, car tout se passera bien, il n’y a pas de raison. À RCF High School, c’est aussi dur que sur un parcours de super g. Rivalités et jalousies en tout genre, louper presque deux jours de cours chaque semaine n’aide pas à se faire des amis (la plupart se sont éloignés depuis longtemps, les deux ou trois restants sont les seuls vrais amis sur qui elle peut compter, ceux qui viennent avec elle à Aspen en 2005 pour une compétition, alors que les examens de mi-semestre se déroulent trois jours plus tard et que ce n’est qu’une compétition de slalom, même pas de super g.) Le bal de promo arrive, bien évidemment, la dernière soirée qu’elle passera avec Alexander, son petit ami depuis quatre ans déjà, qui partira étudier dans le Massachusetts trois jours plus tard. « Vraiment, championne de super g avec des jambes aussi longues, aussi fines? » Tous ces gens qui n’y croient pas, qui la dévisagent. « Addison? C’est celle qui vient jamais en cours? Elle était en maths III avec moi, mais ils ont dû la remettre en maths II avec toutes ses absences... »

WE’VE GOT STADIUM LOVE (YOU’RE 18 AND YOU JUST MADE IT INTO THE USA’S 2006 OLYMPIC ALPINE SKI TEAM) —
Les différentes participations et victoires à des compétitions internationales ont payé, car en novembre 2005, c’est l’équipe olympique de ski alpin des USA qui la réclame. Elle n’est pas la première de l’Idaho à en faire partie, elle est la première de RCF toutefois, et une des plus jeunes, elle n’aura même pas atteint ses dix huit ans lors des JO. Cette sélection aux JO signifie le passage à un tout autre niveau, à de toutes nouvelles techniques et méthodes d’entraînement - encore plus dur, encore plus sophistiqué, encore plus exigeant. Addison doit quitter ses partenaires de longue date, Katie et Andrea, pour rejoindre le reste de l’équipe. Certaines ont déjà participé à des JO, certaines ont déjà des médailles olympique et une aura fabuleuse qui en découle; Addison est intimidée, elle se demande ce qu’elle fait ici, comment elle a réussi à en arriver là, au niveau olympique. Tout est allé vite, peut-être même trop vite? La chance lui a souri en toutes circonstances, depuis maintenant un peu plus d’un an elle reste invaincue en super g, la nation entière la voit comme l’espoir américain du super g. On l’imagine déjà monter sur la première marche du podium, en super g, et peut-être même en descente, épreuve pour laquelle elle a décidé de concourir également.
Au milieu de toute cette frénésie pour les JO, une journée de repos leur est accordée dans un SPA d’Aspen, histoire de faire un break après déjà deux semaines d’entraînement intensif. C’est l’occasion de faire une pause, de discuter entre filles, d’oublier que l’on fait partie de l’équipe olympique américaine de ski alpin, d’oublier les muscles exténués et le mental de fer qui commence à s’affaiblir. C’est l’occasion de se faire faire une manucure et d’afficher le dernier OPI sur ses ongles, de s’offrir des massages aux pierres chaudes (même si les massages post-entraînement ne manquent pas, ils n’en restent pas moins sportifs et pratiqués par un kinésithérapeute et non une masseuse asiatique), de papoter entre filles de tout et de rien dans un jacuzzi, coupes de champagne Moët à la main. Car au fond, elles sont toujours féminines, même si c’est difficile de le voir sous le casque, le masque, la combinaison moulante alors qu’elles filent à vive allure sur les pistes. Vous auriez même du mal à les reconnaître dans la rue tant elles peuvent changer dès qu’elles sortent de leurs habits de travail pour enfiler une chemise Urban Outfiters, un jean Levi’s et des low-boots comme toutes les autres jeunes femmes de leur âge - même si Addison se distingue tout de même avec sa chevelure rousse, vous n’auriez sans doute aucun mal à la repérer elle.

COMBAT BABY, COME BACK BABY, FIGHT OFF THE LETHARGY. DON’T GO QUIETLY. (SAID YOU WOULD NEVER GIVE UP EASY) —
C’est toujours comme ça, au moment au tout va bien dans votre vie, au moment où vous atteignez l’acmé, le turning point, le D-Day, tout est foutu en l’air par une force surnaturelle, bien décidée à vous faire payer pour toutes ces années de bonheur sans aucun trouble.
Les conditions étaient normales à Salt Lake City en ce 1er février 2006. La cérémonie d’ouverture des JO était prévue pour le 10 février à Turin, en Italie, et toute la délégation américaine devait s’envoler pour Turin le lendemain même. C’était le dernier jour d’entraînement at home, la pression se faisait sentir, comme toujours, mais l’excitation se mêlait également aux sentiments de l’équipe de ski alpin ce matin-là au petit-déjeuner. Une descente de super g était prévue à 10.30am sur la piste olympique où s’étaient déroulés les JO en 2002, et c’est le cœur léger qu’Addison prit le télésiège jusqu’au sommet de la piste en compagnie de Keith, qui concourait en super g côté hommes. La descente d’échauffement se passa sans problème, Addison connaissait parfaitement la piste après ces trois jours passés à s’entraîner à Salt Lake City, aucune des portes n’avait de secret pour elle, chaque courbe et chaque pente lui collaient à la peau comme une seconde nature, alors qu’elle descendit sans peine. Ses deux passages chronométrés étaient prévus à 12.15pm, dans les conditions d’une véritable compétition, « histoire de mettre tout le monde dans l’ambiance une dernière fois » avait clamé le chef de l’équipe de ski alpin. Mais plusieurs skieurs s’élançant sur la piste de super g de Salt Lake City, à plus de 80 km/h, tout en virages serrés et dérapages contrôlés sur les carres, ça vous altère forcément la qualité d’une piste. Addison le sentit tout de suite, dès la première porte- non, dès la première seconde, juste après son départ. Quelque chose avait changé. La première porte fut franchie, puis il fallut aller chercher la deuxième sur la gauche, ses skis crissant beaucoup trop fort sur la plaque de verglas qui avait été découverte au fil des passages précédents. Jesus Christ, this is going to be tricky. Elle ne pouvait pas ralentir son allure, sûrement pas, faire un mauvais temps la veille de son départ pour Turin n’était sûrement pas une bonne option. Addison continua sur le même rythme, se faisant une petite frayeur à chaque porte passée. La sixième porte eut raison d’elle. Trop à droite, sa vision était bloquée par les sapins bordant la piste, ses genoux la brûlaient à force de se mettre sur les carres au maximum pour chaque virage, et un seul mouvement de bassin un peu trop brusque suffit à l’envoyer contre le piquet gauche de la porte. Elle perdit l’équilibre, chutant en avant, ou en arrière, se retrouvant à glisser à plus de 70km/h sur ses skis, ne pouvant pas s’arrêter, mais s’écroulant finalement une dizaine de mètres plus bas, sur le faux plat de l’arrivée, dans un enchevêtrement de skis, de bâtons de ski et de membres. Elle n’avait déchaussé qu’un seul ski durant sa chut, il aurait mieux valu qu’elle ne déchausse les deux, cela aurait au moins épargné plus ou moins ses jambes toutes entières.
On la transporta à l’hôpital de Salt Lake City en hélicoptère, Addison n’en a aucun souvenir, ayant sombré dans l’inconscience en chutant. Les médecins la placèrent dans un coma artificiel, il fallait mieux vu son état. Fracture du tibia et de la cheville droite (son ski droit étant celui qu’elle n’avait pas déchaussé), diverses contusions sur la jambe gauche, traumatisme crânien minime, et une luxation de l’épaule gauche. Sa jambe droite était celle qui inquiétait le plus les médecins. On l’opéra, pansant ses diverses plaies à grands renforts de bandages, plâtres, Betadine, désinfectants et autres produits. Elle sortit du bloc vers 2.00am ce soir-là, et c’est à son réveil le lendemain matin, le 2 février, en salle de réveil, qu’une infirmière lui apprit que sa nièce était la veille, dans l’après-midi. Encaissant premièrement le choc d’être à l’hôpital, puis en deuxième celui d’avoir manqué la naissance de sa nièce (elle ne supportait pas d’avoir une fois de plus était séparée de son frère dans un moment important), Addison fondit en larmes. Mais c’est en apercevant le reste de l’équipe de ski alpin qui attendait dans le couloir qu’elle s’effondra pour de bon, se rappelant subitement pourquoi elle était là. Toute la douleur sembla alors irradier son corps, et elle demanda une dose de morphine à l’infirmière, elle avait besoin de dormir, d’oublier. Elle espérait qu’à son réveil, elle encaisserait mieux le choc.
Elle se réveilla vaguement quelques heures plus tard, avalant avec peine un plateau-repas, avant de replonger dans le sommeil, décidant que tout cela n’était qu’un mauvais rêve.
À son réveil le 3 février, à l’aube, elle eut conscience d’une main serrant la sienne, et alors qu’elle tournait difficilement la tête, elle aperçut son frère, les yeux rouges, le regard scotché sur elle, et une lueur brillant dans ses yeux lorsqu’il s’aperçut qu’elle venait de se réveiller. Ce n’était peut-être qu’un mauvais rêve, mais au moins, son frère était là pour la soutenir. Elle serra faiblement sa main.
Mais en allumant la TV, en apercevant la une des journaux, Addison se rendit compte que ce n’était pas un rêve. L’équipe s’était envolée pour Turin, la laissant à Salt Lake City, hors de course pour les JO de Turin. Elle encaissa la nouvelle avec le sourire: « j’aurais le temps de me préparer pour Vancouver! » Le médecin se mordit la lèvre, son regard s'assombrissant alors qu’il lui faisait comprendre qu’il n’y aurait pas d’autres JO. Qu’il n’y aurait plus de ski de haut niveau. Qu’il n’y aurait peut-être même plus jamais de ski. Elle n’avait que dix huit ans, allait sur ses dix neuf, mais sa seule raison de vivre s’était déjà éteinte.
Elle s’écroula dans les bras de son frère, en larmes.

HORS-JEU ; Show us your true colors

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