INTRIGUE 04; Leaving this town.




C'était un combat perdu d'avance. Pour se reconstruire, la ville avait besoin d'argent. Argent qu'elle n'avait pas – la crise économique avait touché tout le monde, même la petite ville de Ruby Creek Falls. Accepter la proposition des investisseurs était peut être loin d'être la solution idéale, mais c'était la seule solution dont disposait le maire. Assis dans son bureau, c'est un air grave sur le visage que ce dernier relisait une énième fois le contrat que les investisseurs avaient déposé dans son bureau il y a désormais trois mois. Etrangement, ces derniers ne pressaient pas le maire. Ils profitaient du temps que Barry Falcone, 68 ans, prenait pour se décider. Convaincus qu'il finirait pas céder, ils organisaient régulièrement des opérations dans la ville pour montrer les bienfaits qu'ils pouvaient apporter à la ville. Leur but ? Faire de la ville de Ruby Creek Falls une station balnéaire, et touristique. Trois distincts coups sur la porte firent sursauter le vieil homme. « Entrez. » s'exclama-t-il de sa voix grave. « Les investisseurs sont là. » précisa sa secrétaire. « Faites-les entrer. Nous avons perdu assez de temps avec cette histoire. »



Les derniers mois avaient été particulièrement éprouvants pour Barry. Sa ville natale, et celle où il avait passé 60 ans de sa vie, avait été détruite par un glissement de terrain que nul n'aurait pu prévoir. Il avait non seulement perdus des électeurs dans ce drame, mais avant tout des amis, des personnes qu'ils connaissaient depuis toujours, ou un peu moins longtemps, des personnes qu'il portait dans son coeur. Mais contrairement à la majorité des habitants, ce dernier n'avait pas eu le temps de faire son deuil. Après avoir organisé les secours, le maire avait du présenter ses condoléances aux familles, et leur assurer que tout serait fait pour qu'ils aient un toit sur leur têtes dans les plus brefs délais, et ensuite seulement, il s'était concentré sur le budget. Il avait géré tous les problèmes habituels de la ville – qui étaient mineurs, mais que Barry avait refusé de laisser de côté -, organisé les habituelles fêtes pour ne pas détruire l'esprit de la ville, et permettre aux personnes ayant souffert directement ou non de l'éboulement de se détendre, de penser à autre chose, ne serait-ce que l'espace d'une soirée. Et à côté, il y avait le budget qu'il savait trop peu suffisant pour aider les habitants à tout reconstruire. C'est à ce moment-là que les investisseurs s'étaient jetés sur la ville comme des requins sur de la viande rouge. Si le maire Falcone s'était attendu à ce que cela arrive, il ne s'était pas attendu à recevoir autant de demandes. Dix investisseurs s'étaient intéressés au cas de la ville, et chacun avait des propositions qui étaient les mêmes. Pas dans les détails, certes, mais cela revenait à la même idée... faire de ce coin paisible un lieu de foire. Les habitants avaient, pour la grande majorité, rejeté cette idée, mais le maire avait tout de même pris le temps d'évaluer les propositions et les autres solutions qui s'offraient à lui. Augmenter les impôts était quelque chose qu'il refusait. Plus tard peut être, mais il préférerait prendre sur sa fortune personnelle – qui était maigre comparé aux dépenses que la reconstruction engendrerait mais c'était tout de même mieux que rien – que d'empêtrer ses amis dans encore plus de difficultés.



Si il était certain de sa décision, il craignait la réaction des habitants. Beaucoup résistaient, mais certains en étaient venus à s'accorder sur le fait que c'était peut être la meilleure solution. Et sur tous ceux qui étaient contre, combien l'étaient par principe, et combien l'étaient vraiment ? « Asseyez-vous, messieurs. » les invita Barry qui n'avait pas pris la peine de se lever. Les évènements des derniers mois l'avaient énormément affecté, et il avait l'impression d'avoir pris dix ans. Il n'était pas certain de pouvoir enchainer un autre mandat... Mais ses préoccupations étaient ailleurs. Devant son air grave, chaque investisseur avait un sourire aux lèvres, convaincu qu'il accepterait. Il ne restait plus qu'à déterminer le grand gagnant. « Messieurs, je ne vais pas faire de suspense, nous avons tous passé déjà assez de temps sur cette affaire. » Il marqua une pause, et reprit. « C'est avec un grand plaisir que je vous annonce que chacune de vos propositions a été refusée. Et ce, de manière unanime. Le conseil municipal appuie ma décision. » Cette fois, Barry se leva, et se dirigea vers la porte, un sourire soulagé éclairant son visage. « Vous pouvez sortir. J'espère que votre séjour dans la ville fut plus agréable pour vous que pour moi. »