DANS-JEU ; L'imagination gouverne le monde (Napoléon)

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(c) catsoon

NOM : Sledge PRENOMS : Kenneth Miles DATE (Âge) & LIEU DE NAISSANCE (Etat) : TAILLE & POIDS : EMPLOI/ETUDES : Bûcheron GROUPE : Farmers

En réalité, il n’y allait que parce qu’il y était forcé. Si l’officier de police n’avait pas été sur son dos depuis sa dernière arrestation – il avait agressé verbalement un type, dans la rue, de bon matin, encore ivre de sa nuit agitée et alcoolisée –, il ne se serait pas rendu à cette réunion, même si cela lui était fortement conseillé. La seule raison pour laquelle on ne l’avait pas encore envoyé en cure de désintoxication, c’était bien parce que sans lui, son père ne s’en sortirait pas, et comme papa Sledge était un bon bougre – du moins, c’est ce qui était de notoriété publique –, on était clément avec la seule personne à lui permettre de s’en sortir : son fils unique, Kenneth Sledge. Les deux hommes vivaient dans une petite maison, au milieu des bois, et passaient le plus clair de leur temps parmi les arbres. C’était en tout cas dans ce milieu-là que Ken avait grandi. Il était né bûcheron, avant même de le devenir. S’il ne reprenait pas le boulot de son père, la profession se perdrait sûrement, dans la région, comme les Sledge étaient à peu près les derniers bûcherons du coin. De plus en plus souvent, on faisait appel à des compagnies pour abattre le boulot que les deux hommes faisaient sur plusieurs mois de temps. Heureusement pour eux – en tout cas, pour M. Sledge – la bourgade de Ruby Creek Falls était trop attachée à ses traditions et son passé pour laisser une telle chose se produire.
Si Kenneth n’avait jamais montré aucun signe de rébellion quant à sa destinée, il n’en avait pas moins plongé dans une part obscure de l’homme et ce, dès son adolescence. Vivant seul avec son père, il avait développé un petit rituel, une sorte d’apéritif entre hommes, après une dure journée de labeur. De fil en aiguille, la consommation s’était accentuée. Le père avait mis une limite, Kenneth n’y était pas parvenu et, de plus en plus, il se rendait en ville pour s’abreuver à sa guise, au Dukes, quand on le laissait, ou ailleurs, peu lui importait, finalement. Le jeune homme avait l’alcool mauvais. Plus il en absorbait, plus il devenait irritable et il s’était rarement passé une soirée sans qu’il ne s’empoigne avec un autre homme ivre. C’était pour cette raison-là qu’il n’était pas toujours le bienvenu au Dukes. On lui interdisait l’accès durant quelques semaines puis on lui laissait toujours une chance de prouver qu’il avait changé. Chose qu’il ne faisait jamais. Jusqu’à cette fameuse altercation, du moins. Car depuis cette interpellation, il était dans le collimateur de plusieurs agents de police locaux et il était donc forcé d’obéir à la loi, à défaut d’obéir à l’autorité de leur voix.
D’où son arrivée au milieu de ce groupe hétéroclite. Il ne s’y sentait vraiment pas à sa place. La plupart des gens qui étaient assis là s’apitoyaient sur leur sort. Il ne se plaignait pas de son quotidien. Il n’avait aucune envie de changer quoi que ce soit et trouvait pathétique de voir ces inconnus partager des détails de leur vie privée, détails dont il n’avait que faire. Kenneth n’avait pas été élevé en parfait égoïste, comme son comportement pouvait le laisser penser. Son père était maladroit, incapable d’avoir une réelle autorité sur le garçonnet orphelin de mère. Mme Sledge était morte accidentellement lors d’un drame semblable à celui survenu en juin dernier et le bûcheron n’avait jamais cherché à la remplacer. C’était un homme esseulé et taiseux qui ne partageait pas grand-chose avec les gens de la ville, d’où son retrait dans un coin reculé de la montagne. Il n’avait jamais aimé l’agitation des villes, aussi petites soient-elles et avait toujours privilégié les balades dans la nature. Finalement, Kenneth faisait tout pour ne pas lui ressembler. Il ne voulait pas rester coincer entre les arbres, au milieu de nulle part, même s’il aimait son métier et qu’il le garderait probablement aussi longtemps que possible. Kenneth était un être contradictoire et ce, à plusieurs points de vue. Il s’était montré récalcitrant et à présent, il se rendait chaque semaine à une réunion. Il n’y disait rien, n’y partageait aucune anecdote, se contentant de faire semblant d’écouter, réprimant des rires moqueurs de temps à autres.
Et puis il y avait eu l’arrivée de l’Indienne. Autant le dire tout de suite : elle attira le regard de Kenneth et l’intérêt du jeune homme pour la réunion mua vers quelque chose de l’ordre du coup de foudre, sans aller jusqu’à prétendre que c’est ce qui se produisit quand l’inconnue pénétra dans la salle. Le meeting avait déjà commencé depuis une bonne dizaine de minutes lorsqu’elle apparut dans le champ de vision de Kenneth et elle sembla jauger la situation, incertaine de vouloir rejoindre une bande de poivrots pleurnichards – et honnêtement, le garçon ne pouvait pas le lui reprocher. Elle fit mine de faire demi-tour, comme pour échapper à l’attention de la personne chargée de tenir la discussion. Etait-ce le fait qu’il la fixait sans aucune gêne apparente ou sa conscience la ramena-t-elle à l’ordre ? En tout cas, elle ne quitta pas les lieux. Elle regarda Kenneth avec attention et, flatté, le jeune bûcheron ébaucha un sourire en coin qui aurait pu paraitre cynique et quand elle s’approcha, comblant la distance qui la séparait du cercle d’alcooliques, drogués et autres victimes d’addictions, il se redressa, abandonnant sa position avachie pour une posture un peu plus digne. Quand elle prit place à côté de lui, il se présenta simplement, se contrefichant bien de ce qu’il se racontait. A partir de ce moment-là, tout ce qui l’intéressa, ce fut l’Indienne qui répondait au doux prénom de Kachina.