mars 2009, hôtel miteux

Encore une matinée semblable aux autres, ni plus ni moins animée par un mal de tête. Un réveil prématuré par une voix si douce, devenue une cacophonie en ce lendemain de soirée un peu trop arrosée. Je ronchonne quelque peu, me retournant dans les draps. Quelqu'un tente de me réveiller. Je termine en vain par me lever avec nonchalance, la tête scindée par les paroles incessantes et incompréhensibles d'une charmante demoiselle. Qui est-elle ? Je ne sais pas. Son prénom se sauve de mes pensées, impossible de m'en souvenir. Je la scrute du coin de l'œil, sans la moindre expression. Je me sens vide. Incapable d'éprouver la moindre émotion depuis la disparition de ma sœur. J'en suis l'unique responsable. Je l'ai emmené avec moi dans mes arnaques parce qu'elle me l'a demandé entre deux larmes, le temps d'une halte dans ma ville natale. Je l'ai ainsi écarté d'un père coléreux et d'une mère sans la moindre emprise sur celui-ci, pour la conduire vers sa perte. Je me souviens encore de son corps inerte, sa peau si froide. Je m'en veux. Je n'ai pas su veiller sur elle. Mais pourquoi est-elle tombée sur ce criminel recherché par la police ? Pourquoi s'est-elle absentée pour ne plus revenir ? Je l'ai cherché pour la retrouver morte dans mes bras. Je connais le nom de son assassin, et ceci d'après les nombreuses informations de la police. Je sais pas mal de trucs sur lui. Je n'ai malheureusement pas eu la chance de m'en occuper, son arrestation m'a devancé. Ma petite sœur me manque. Je vois encore son sourire se dessiner dans ma tête. On a monté pas mal d'arnaques ensemble. On a passé trois belles années sur les routes, pour dormir dans des hôtels miteux et compter notre oseille dans la chambre. Je me souviens de sa facilité pour embobiner les hommes. Elle m'a plus d'une fois étonné, me prouvant la crédulité de certains d'entre-eux. Je lui ai cependant imposé quelques principes, comme celui de ne pas terminer sous les draps de ses futures victimes. Je dois avouer qu'elle s'en est très bien tirée. Elle me manque. Je m'en veux. [ … ] Je tourne ma tête vers la fenêtre, où la lumière du soleil me trouble quelque peu la vue. Je ramasse mon cuir posé sur le sol. Merde ! Impossible de trouver mes clopes. Une fois la main dessus, la fumée ne tarde pas pour se répandre dans la pièce. Je m'avance vers la fenêtre pour l'ouvrir. J'entends une insulte suivie de la porte qui claque. Impeccable. Je n'ai ainsi pas besoin de la foutre dehors, puisqu'elle s'en occupe elle-même. Je m'en moque pas mal des autres. Je ne m'en préoccupe pas. Je suis parfois d'une rare méchanceté avec autrui. Incapable d'avoir de la compassion. Quelques voire beaucoup de personnes me trouvent détestable, en particulier les femmes qui adorent me détester, de la rancune sans aucun doute. Ma vie se détériore avec le temps. Il n'en reste plus que des mauvais souvenirs, qui ne se noient pas dans l'alcool. Car au réveil, en prime de me récolter un mal de crâne pas possible, mes souvenirs ne sont malheureusement pas envolés. Néanmoins le principal n'est-il pas de réparer mes erreurs au lieu de les oublier, du moins tenter de les oublier ? Mais mes actes sont-ils récupérables ? Je crois bien que non. Mon passé n'est pas mémorable. Ma vie n'est qu'immoralité.

HORS-JEU ; Show us your true colors

...